Mariage d’enfants au Burkina : Léo veut intensifier la lutte

Publié le mardi 9 juillet 2019 à 16h57min

PARTAGER :                          
Mariage d’enfants au Burkina : Léo veut intensifier la lutte

Avec 21 cas de mariage de mineurs enregistrés en 2017 contre 26 cas en 2018, selon les données de la direction provinciale de la femme et de la solidarité nationale de la Sissili, le mariage d’enfants est une réalité à Léo, localité située à environ 165 km de Ouaga. Constat du phénomène dans cette ville qui a abrité le 5 juillet dernier, le lancement de la caravane sur la campagne d’accélération d’abandon du mariage d’enfants « Ne m’appelez pas Madame ». Cette initiative de l’UNICEF vise l’élimination totale du mariage d’enfants d’ici 2025.

« Le mariage forcé, ce n’est pas bien. Ça gâte l’école des jeunes filles », commente Mouna Napon, une élève en classe de CM2. C’était au cours d’une caravane de presse initiée par l’UNICEF, avec l’appui du Réseau initiatives des journalistes africains pour la coopération et le développement (IJACOD).

A l’instar de cette jeune fille, dame Fatimata Zongo, commerçante de légumes au marché de Léo, est consciente de l’ampleur du phénomène sur la jeune fille. « Honnêtement, nous sommes contre, mais on n’y peut rien parce que les hommes ne tiennent pas compte de notre avis. Nos filles souffrent lorsqu’elles se marient précocement. Nous voulons les voir terminer leurs études et s’épanouir », confie-t-elle.

A Léo, souligne le commissaire central de la ville, Boureima Ouédraogo, il est difficile d’évaluer la pratique du mariage des mineurs. Cela, faute de dénonciations ou de plaintes. Toutefois, dit-il, l’ampleur du phénomène est préoccupant. Au titre du premier trimestre de l’année 2019, 5 cas de mariage de mineurs ont été enregistrés.

C’est le cas de la jeune Zénabo. Il y a six mois de cela, Zénabo vivait à Sapouy, ville située à environ 65 km de Léo. Mariée contre son gré à un homme polygame, la jeune fille de 16 ans a trouvé refuge dans une famille d’accueil à Léo, grâce au service de l’action sociale. « Au début, j’ai d’abord été accueillie chez mon copain et là, mon père a déposé plainte contre lui pour détournement de mineur », a-t-elle relaté, soulignant qu’une fois à la justice, son père aurait confié que l’homme en question comptait l’offrir en mariage à son petit frère. Accueillie dans la famille Poda, Zénabo vit désormais à Léo où elle suit une formation en couture grâce à l’appui du Fonds des nations unies pour l’enfance.

« Il faut aussi sensibiliser les jeunes filles »

Dans cette ville frontalière du Ghana, le commissaire de Police Boureima Ouédraogo avoue qu’il est très complexe de parler de mariage d’enfants. « On essaie d’échanger avec les communautés pour que les leaders religieux servent de relais pour nous accompagner dans la lutte. De façon officielle, Il est très difficile de célébrer le mariage d’une mineure dans une mosquée ou dans une église », a-t-il indiqué, soulignant que les cas les plus récurrents sont les rapts et les détournements de mineurs. Le cas le plus récent est d’ailleurs celui de la jeune Samira qui s’est amourachée d’un homme déjà marié à deux femmes. « Agée de 14 ans, cette élève en classe de 5ème refusait catégoriquement de rejoindre sa famille. Nous étions dans l‘obligation de l’envoyer chez sa sœur en attendant de lui trouver une famille d’accueil », a témoigné le commissaire.

Pour lui, la lutte contre le mariage d’enfants doit se transporter dans les établissements, où l’accent doit être mis sur la sensibilisation des jeunes filles. « C’est vrai que nous sommes là pour la répression, mais la sensibilisation nous aide à prévenir. Plus les gens sont sensibilisés, moins nous aurons à aller sur le terrain de la répression », a signifié Boureima Ouédraogo.

« C’est un nouveau départ »

Classé 5ème au rang des pays qui affichent le taux de prévalence du mariage d’enfants le plus élevé au monde, le Burkina, à travers son gouvernement et l’appui de ses partenaires tel que l’UNICEF, ne cessent d’initier des actions pour venir à bout du fléau. Des actions, qui cependant, peinent souvent à produire des résultats satisfaisants. « En milieu rural, c’est très compliqué. Les gens pensent que c’est en mariant la fille très jeune qu’on va générer des revenus », a relevé le chef de canton de Léo, sa majesté Léo Piô. Puis de poursuivre : « Il faut qu’on mette fin à cette pratique qui a des conséquences négatives sur la santé de la jeune fille, sur l’économie et sur le développement de notre pays ».

Pour lui, cette campagne est un nouveau départ qui permettra de faire bouger les lignes. « Je pense qu’avec cet appel que nous avons lancé, les gens vont changer leur façon de voir les choses. Déjà, les coutumiers sont engagés dans ce combat à travers une structure au sein de laquelle nous évoquons toutes ces questions au niveau des villages, des quartiers et des secteurs », a-t-il indiqué.

Le maire de la commune de Léo, Abdoul Manane Nébié , ne dira pas le contraire, lui qui voit en cette caravane, une initiative qui garantira aux jeunes filles, une jeunesse épanouie et de nouvelles mentalités de femmes aptes à relever les défis sociaux qui se présenteront à elles.

Notons que dans le cadre de cette caravane qui couvrira les villes de Léo, Bobo, Kaya, Fada et Ouagadougou, le rappeur Smarty donnera de la voix pour soutenir la cause de la jeune fille. En rappel, selon l’UNICEF, une fille sur deux (52%) au Burkina, est mariée avant l’âge de 18 ans.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net

Portfolio

PARTAGER :                          
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique